Pépinières Guillot-Bourne : une affaire de famille
Depuis 140 ans, l'entreprise iséroise est entre les mains des Guillot-Bourne. Représentant de la cinquième génération, Antoine Bourne a repris le flambeau en 2010, suite au décès de son frère Louis. Une orientation non prévue pour celui qui avait tracé sa route de façon autonome.
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Cet automne, les pépinières Guillot-Bourne ont fêté leur 140e anniversaire. Installée à Jarcieu et à Saint-Marcellin, en Isère, cette entreprise est avant tout familiale. Au fil des décennies, les successions se sont enchaînées. Représentant de la cinquième génération, Antoine Bourne a repris le flambeau il y a un an, suite au décès de son frère Louis. Ses expériences en production et en commercialisation, ainsi qu'en import-export lui donnent de solides atouts pour donner un nouvel élan à la société. Titulaire d'un BEP « pépinières » décroché au lycée agricole et horticole de Lyon-Dardilly (69) en 1985, il a ensuite obtenu un bac à La Mouillère, école d'horticulture à Orléans (45). Durant cette formation, il est allé effectuer un stage d'un mois au sein des Ets Draijer, à Hillegom (Pays- Bas). « Mes parents étaient en contact avec cette entreprise depuis les années 50, un fournisseur intéressant pour sa belle gamme de jeunes plants (en plantes de collection). J'ai travaillé à tous les postes de production sur toutes les cultures. J'ai également été mis en relation avec tous les fournisseurs et j'ai pu me constituer un réseau de contacts. C'était une période de bonne formation générale en production et en commercialisation », rapporte Antoine Bourne.
Hubert-Lucas Draijer, aujourd'hui représentant chez Lommerse & Schrama pour le secteur pépinière se souvient : « Le père d'Antoine était un bon client de mes parents, notamment en petits arbres de 10-12. À l'époque, les Pays-Bas étaient spécialisés dans la multiplication. Nous avons, par exemple, reçu des greffons de la pépinière Guillot-Bourne pour assurer, pour elle, la multiplication du tilleul 'Flamme de Vercors', qui tire son nom de la coloration automnale se déployant comme une bougie, de la base vers la pointe. Quant Antoine est venu en stage chez nous, il ne savait pas encore quoi faire. Il a finalement trouvé sa voie plus tard, avec une spécialisation dans les plantes de collection, un choix intéressant dans un contexte de concurrence. »
De très bonnes formations en production et en commercial
« J'avais envie d'en découvrir davantage aux Pays-Bas », poursuit Antoine. « Je suis donc allé travailler pendant six mois chez Wezelemburg, à Boskoop, une pépinière spécialisée dans les jeunes plants, en particulier d'érable du Japon. Là, j'ai travaillé la multiplication et j'ai appris le greffage sur table. J'ai ensuite été approché par Roosbergen, un gros exportateur néerlandais, chez lequel j'ai travaillé un an, uniquement en tant que commercial. Je recevais les clients, je visitais les exploitations de production, puis je suis devenu leur commercial en France. Cette période n'a pas été la plus facile. Un Français qui représente en France un négoce néerlandais... cela intriguait et n'a pas toujours été bien perçu, y compris par une partie de ma propre famille, surtout mon oncle Henri. Si je retire un grand bénéfice de cette expérience en matière commerciale, du côté de la qualité des produits vendus, c'est une très grande déception. »
En 1992, le jeune Isérois revient définitivement en France. Il s'installe à Saint-Marcellin où il crée une entreprise de négoce, Novaplants, spécialisée dans la commercialisation auprès des jardineries. « Je me suis créé un réseau commercial. Mais là encore, cela avait heurté ma famille qui a toujours travaillé en production, sans faire de négoce pur », souligne Antoine Bourne.
C'est l'époque où la concurrence commerciale devient de plus en plus sévère. Antoine souhaite trouver de nouveaux clients tout en respectant ses ex-partenaires néerlandais, avec lesquels il a conservé de bonnes relations. « En 1995, j'ai arrêté le négoce, gardé l'entête commerciale, et je suis devenu producteur spécialisé en plantes hors normes. Je produisais une vaste gamme de plantes finies, vendues à une clientèle privée et via les salons. J'ai fait la rencontre de nombreux paysagistes, dont celle d'Éric Borja, spécialiste en jardins d'inspiration japonaise et jardins zen à Beaumont- Monteux (26), qui a été déterminante. À partir de 1998-1999, je suis devenu un fournisseur de ses créations en essences de collection. J'ai aussi commencé à fournir des chantiers d'exception à une clientèle haut de gamme. Pendant ce temps, mon frère Louis reprenait les pépinières Guillot- Bourne. Nous étions en bons termes tous les deux. Il aurait aimé que nous travaillions ensemble, mais nous avions des vues différentes. J'étais co-administrateur de la pépinière familiale, nous étions en quelque sorte des “consultants réciproques”, partageant nos avis. »
Reprise de la pépinière familiale en association avec sept cadres
Mais le décès subit de Louis Bourne a donné une autre orientation au parcours d'Antoine et précipité les décisions. La pépinière était une entreprise familiale à 75 %. Elle avait vécu avec difficultés une période en gérance, de 1996 à 1998, successivement assurée par deux personnes extérieures. « Nous n'avons pas voulu retenter cette expérience. Il fallait la reprendre ou l'arrêter... Je ne pouvais pas la laisser disparaître. C'était impensable. La reprise s'est organisée avec l'appui de sept cadres déjà en place : trois commerciaux, deux comptables et deux techniciens. Eux connaissaient bien notre pépinière et ses spécificités. Pour ma part, il m'a fallu environ un an pour en maîtriser le fonctionnement, connaître l'ensemble de la clientèle et être en mesure de développer de nouveaux concepts. Notre entreprise familiale était axée depuis environ trente ans sur les arbres tiges et les marchés publics. Mais les difficultés du secteur obligent à se diversifier. Nous sommes donc en train de développer la production d'une vaste gamme d'essences de collection, en sujets hors normes, correspondant à l'une de mes précédentes expériences. Dans un marché compliqué, avec une main d'oeuvre dont le coût est élevé, il nous faut développer notre capacité à travailler du gros sujet, beau et exceptionnel afin de nous démarquer. Une partie de la clientèle a compris qu'elle ne gagne pas forcément, au final, à délaisser le végétal. Cette option de diversification nous permet d'élargir notre clientèle. »
Lors du 140e anniversaire des pépinières Guillot-Bourne, fêté les vendredi 30 septembre et samedi 1er octobre derniers, Antoine Bourne, qui assure aujourd'hui la pérennité de la société familiale, réaffirmait : « Je crois à la place du végétal dans notre économie actuelle et à son image de produit durable. »
Odile Maillard
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